lundi 22 mai 2017

Une fraude identitaire

Il y a des articles comme celui-ci que je ne peux pas ignorer et qui demandent une réponse musclée. Tout m'y chiffonne, alors sortez vos scalpels, on va disséquer ça.
[L]’histoire est l’objet d’immenses manipulations idéologiques. L’une d’entre elles cherche à nous faire croire que nous serions tous des immigrants, mis à part les Amérindiens, seuls vrais fondateurs de la ville et du pays.
J'aimerais rappeler à M. Bock-Côté que l'humanité est une espèce invasive qui a su s'imposer sur tous les continents et que dès qu'on met les pieds hors de l'Afrique, nous sommes assurément tous des immigrants. En ce qui concerne les Premières nations, je doute qu'elles revendiquent le Canada comme étant leur pays. Leurs démarches de compensation témoignent que leur identité est ailleurs. Qui tente de les maquiller dans un rôle de fondateurs, exactement?
On déclasse symboliquement la Nouvelle-France d’un trait de plume. [...] On réécrit l’histoire. On en invente une nouvelle, mensongère, mais conforme aux canons de la rectitude politique. C’est une histoire multiculturaliste.
Il faut faire la part des choses, nous ne considérons pas Français; comme pour la Louisiane et pour Haïti (d'autres dépendances françaises), nous nous sommes redéfinis plusieurs fois depuis la mère patrie. Cette Nouvelle-France comme mythe fondateur déclasse symboliquement l'histoire de la survie des francophones et de la préservation par nos ancêtres d'une identité distincte. (J'aimerais aussi prendre un instant pour lever mon chapeau à un autre quotidien, qui sait que la notion de multiculturalisme est multiple, et que cette simplification grossière n'aide en rien un argument déjà fragile).
Il s’agit de nier aujourd’hui que la majorité historique francophone soit le cœur de la nation. On veut en faire une communauté parmi d’autres, ayant le même statut que n’importe quelle communauté immigrée­­.
Les Canadiens dont le français et la langue maternelle représentent 22% de la population et pourtant, elle est une des deux langues officielles du pays. Nous ne sommes pas le nombril du monde, et je ne vois pas pourquoi l'admettre nous causerait autant de complexes. D'autant plus que d'admettre la présence précédente de Premières nations est un fait historique impossible à nier.
On justifie historiquement un nouveau droit fondamental, celui de ne pas s’intégrer à la nation d’accueil. On veut transformer les Québécois­­ francophones en étrangers­­ chez eux.
Si on en croit cette théorie, le Canada anglais va devoir faire attention à lui, les Amérindiens veulent les assimiler. Plus sérieusement, nous ne sommes pas notre terre, nos pierres et nos arbres. Personne n'est revenu mort de l'amputation du Labrador et personne pense que nos institutions existent seulement à cause du droit divin des Québécois d'habiter sur le territoire.
Prétendre que nous sommes tous des immigrants, c’est insulter l’histoire de ceux qui ont fondé, défriché et inventé ce pays.
Admettons que je dynamite le rocher Percé, est-ce que j'ai affaibli l'identité québécoise? (Si oui, j'aimerais qu'on m'explique comment.) La révolution tranquille a été faite par notre effort collectif de se moderniser et de remettre en question nos traditions. Lesage a-t-il insulté nos ancêtres en changeant le Québec?
C’est humilier la mémoire de la Nouvelle-France. C’est mépriser sa grandeur mystique et conquérante. C’est nier nos racines françaises. C’est nier notre identité et ridicu­liser nos combats pour la préserver.
J'ai le sentiment que le Québécois moyen (moi inclus) peut nommer plus de chansons d'Elvis Presley que de Félix Leclerc. Avant de parler de notre «grandeur mystique et conquérante» (ça veut dire quoi ça, sérieux? La Nouvelle-France n'est pas disparue justement parce qu'elle n'a point conquis?), on doit prendre quelques minutes pour se demander si le Québec moderne est vraiment basé sur le «Je me souviens» ou si, justement, notre identité ne serait pas plutôt dans le ici et le maintenant.
Nous voulons bien accueillir dans des proportions raisonnables ceux qui veulent s’ajouter à nous pour peu qu’ils s’intègrent. Nous ne voulons­­ pas pour autant nous effacer­­ et disparaître.
Une lecture rapide d'un texte comme celui-là peut sembler vraisemblant (qui a l'apparence d'être vrai sans un examen plus attentif), mais je ne vois pas en quoi une identité québécoise est d'abord et avant tout un produit historique datant de la Nouvelle-France. Il est plutôt un produit de notre histoire contemporaine, de notre langue et de notre culture. Nous ne sommes pas la défaite infligée par Wolfe, nous sommes les conséquences d'être restés malgré tout. Nous sommes un autre chose qui est appelé à devenir encore plus... dès que nous aurons décidé qui nous voulons devenir.

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